Réforme fiscale des rémunérations des associés des SEL : Un nouvel éclairage nécessaire

Le cadre fiscal des sociétés d’exercice libéral a subi d’importantes évolutions en 2024, suscitant des inquiétudes au sein des professions libérales, et particulièrement chez les professionnels de santé. Ces derniers se retrouvent confrontés à la problématique de la distinction entre rémunération de gestion et rémunération technique au sein des SEL. Cette réforme a engendré de vives réactions, certains dénonçant les difficultés pratiques qu’elle engendre, tandis que d’autres, notamment des avocats fiscalistes, proposent des solutions pour en atténuer les conséquences financières. Certains vont même jusqu’à remettre en cause son application.

Contexte de la réforme et ses implications

Depuis le 1er janvier 2023, avec une entrée en vigueur en 2024, l’administration fiscale a révisé le traitement des rémunérations des associés de SEL, s’appuyant sur une évolution de la jurisprudence du Conseil d’État. Désormais, la réforme distingue les rémunérations liées à la gestion, soumises à la catégorie des traitements et salaires, et celles correspondant à l’activité libérale, imposées en Bénéfices Non Commerciaux (BNC).

Les anesthésistes, comme d’autres professionnels de santé, se retrouvent face à une réforme qui, bien qu’annoncée comme une clarification, génère de nouvelles complexités fiscales et administratives. Cette évolution se traduit également par une hausse des charges fiscales, impactant ainsi leur pouvoir d’achat.

Auparavant, les gérants majoritaires bénéficiaient d’un abattement forfaitaire de 10 % sur leur rémunération, offrant une économie d’impôt annuelle significative (jusqu’à 6 491 € en 2024). Cependant, cette option est désormais restreinte. Les rémunérations, soumises au régime BNC, pourront désormais bénéficier d’une déduction pour frais professionnels, mais uniquement sous certaines conditions.

Les répercussions pratiques sont également lourdes, avec l’obligation de soumettre une liasse fiscale supplémentaire, de ventiler de manière détaillée les rémunérations techniques et de gestion. Il faut également distinguer les frais professionnels, ce qui complexifie considérablement la gestion des dossiers pour les cabinets d’expertise comptable.

Controverse et Perspectives : Appel à une révision de la réforme

Les avocats ont été les premiers à contester les nouvelles dispositions en saisissant le Conseil d’Etat.

Ainsi, par un arrêt du 8 avril 2025, le conseil d’Etat a certes valider dans son principe l’imposition des rémunération techniques des associés de  SEL en tant de BNC mais a également censuré deux points des précisions apportés par le BOFIP dans les commentaires du 27 décembre 2023 : il annule la qualification de certaines tâches administratives (facturation, encaissement, prise de rendez-vous, approvisionnement fournitures) comme inhérentes à l’activité libérale ainsi que la règle pratique consistant à retenir un ratio de 5% en tant que rémunération du mandat. Le professionnel devra donc être en capacité de justifier le ratio choisi, notamment par des feuilles de temps, l’exercice particulier de l’activité.

Nous attendons les prochains commentaires de l’administration fiscale sur ce point.

De plus, certains cabinets d’avocats proposent leurs services pour contester l’application des nouvelles règles ou certaines de leurs dispositions, notamment les critères d’application du micro-BIC. En effet, le seuil de dépassement est calculé en fonction des recettes des deux années précédentes.

Le régime micro-BNC offre un cadre simplifié pour la déclaration et l’imposition des revenus, avec un abattement forfaitaire de 34 %. Cependant, pour y avoir droit, il faut respecter un seuil d’application des revenus non commerciaux des deux années précédentes (inférieur à 77 700 €), €), auxquelles ne pourraient être assimilées les rémunérations en traitement et salaire déclarées en 2022 et 2023.

Dans le BOFIP ( BOI-RES-BNC-000136) en avril 2024, l’administration fiscale estime qu’il convient de prendre en compte les rémunérations versées par la SEL (avec dépenses professionnelles de l’associés) qui auraient été déclarées dans la catégorie des BNC si elles avaient été perçues à compter de 2024 en application de la nouvelle doctrine.

Ainsi, la doctrine fiscale exclut une large part des dirigeants de SEL du régime micro-BNC en 2024 et 2025. Certains cabinets d’avocats suggèrent de formuler une réclamation, en vertu de l’article 102 ter du CGI, pour permettre à certains professionnels de bénéficier de l’abattement forfaitaire de 34 % en 2024 et 2025.

La réforme fiscale des SEL soulève de nombreuses interrogations et difficultés pratiques pour les professionnels de santé. Alors que certains cherchent à contester l’application de certaines dispositions, il semble essentiel de suivre l’évolution des décisions judiciaires pour adapter au mieux les stratégies fiscales. Les conseillers en gestion de patrimoine, experts-comptables et cabinets d’avocats restent un recours précieux pour naviguer dans ces nouvelles règles complexes.